“Je ne comprends pas pourquoi je dois rester au bureau jusqu’à 18h alors que j’ai terminé mes missions de la semaine.”
Cette réflexion de Léa, 24 ans, consultante dans un grand cabinet parisien, illustre parfaitement le décalage croissant entre les codes traditionnels de l’entreprise et les aspirations de la Génération Z.
Née entre 1997 et 2010, cette génération, qui a grandi avec le digital, les réseaux sociaux et a parfois débuté sa carrière professionnelle avec le travail à distance pendant la pandémie, bouscule aujourd’hui les fondements mêmes de la culture d’entreprise. Elle apporte une vision radicalement différente du travail, de l’autorité et de l’épanouissement professionnel.
Face à cette lame de fond, les entreprises oscillent entre résistance et adaptation, entre incompréhension et fascination. Mais au-delà des clichés sur une génération parfois qualifiée d’individualiste ou d’impatiente, se dessine peut-être l’opportunité d’une transformation profonde et nécessaire de nos organisations.
État des lieux : la culture d'entreprise traditionnelle vue par la Gen Z
Pour la Génération Z, la légitimité ne découle plus automatiquement du statut ou de l’ancienneté. Cette génération privilégie l’expertise et la compétence à la position hiérarchique. Le modèle pyramidal traditionnel, avec ses multiples niveaux de validation et ses processus décisionnels longs, est perçu comme un frein à l’innovation et à l’efficacité.
Les horaires fixes et présentéisme : un modèle dépassé ?
La notion de temps de travail rigide et surtout du présentéisme, déjà ébranlé par la crise sanitaire, apparaissent comme des vestiges du passé pour cette génération qui privilégie la performance aux heures de travail. Pour la Gen Z, la présence physique n’est pas synonyme de performance ou d’engagement.
La communication formelle en décalage
Les échanges instantanés et authentiques sont devenus la norme dans la vie de tous les jours. Les circuits de communication traditionnels de l’entreprise semblent anachroniques aux yeux de la Gen Z. Les e-mails formels, les réunions longues et les processus de reporting complexes sont perçus comme des freins à l’efficacité et comme perte de temps.
Fun fact : D’après une étude menée par IPSOS, 86% des dirigeants interrogés admettent avoir des difficultés à comprendre la Gen Z, et 49% jugent difficile de les faire évoluer dans le monde de l’entreprise.
Les nouvelles attentes qui bousculent les codes
Des aspirations majeures émergent dans la relation que la Génération Z entretient avec le travail : la quête de sens et la recherche d’un équilibre vie travail/personnelle.
La quête de sens : une exigence fondamentale
Pour la Génération Z, le travail doit être porteur de sens. Cette génération ne se contente pas d’une simple relation transactionnelle avec l’entreprise. Elle cherche à comprendre l’impact concret de ses actions et à s’aligner avec des valeurs qui résonnent avec ses convictions personnelles.
Cette quête de sens s’exprime à plusieurs niveaux :
- L’impact sociétal et environnemental de l’entreprise devient un critère de choix de carrière majeur.
- La transparence sur la stratégie et les décisions est attendue pour comprendre sa contribution au sein de l’entreprise.
- Les missions doivent avoir une finalité claire et une utilité perceptible.
- Les valeurs de l’entreprise doivent se traduire en actions concrètes, au-delà des déclarations d’intention.
Fun fact : 74 % déclarent qu’il est primordial que les valeurs de leur entreprise soient en accord avec les leurs, notamment sur les questions environnementales.
L'autonomie comme moteur de performance
L’autonomie et l’indépendance représentent bien plus que de simples avantages pour cette génération : elles constituent le fondement même de leur engagement professionnel. Cette vision bouleverse la conception traditionnelle du management, où le contrôle et la supervision étroite (ou micromanagement) étaient considérés comme des gages de performance.
Les jeunes talents d’aujourd’hui excellent lorsqu’on leur confie la responsabilité de leurs projets, en leur laissant la liberté de choisir leurs méthodes de travail. Cette approche favorise l’innovation et la créativité, tout en développant leur capacité à prendre des initiatives.
Fun Fact : 69 % de ces jeunes préfèrent disposer de leur propre espace de travail plutôt que de le partager (source deskbird : Ce qui motive la Gen Z sur le lieu de travail)
L'équilibre travail/vie personnelle : une priorité non négociable
Une aspiration majeure de la Génération Z concerne l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette génération refuse le sacrifice de sa vie privée sur l’autel de la carrière, une pratique qu’elle a souvent observée chez ses aînés.
Cette recherche d’équilibre se manifeste de plusieurs manières :
Une gestion du temps plus flexible et personnalisée
La valorisation de l’efficacité plutôt que du présentéisme
L’importance accordée aux activités extraprofessionnelles
Le besoin de préserver sa santé mentale et son bien-être
Cette approche témoigne d’une maturité nouvelle dans la conception du succès professionnel. Pour la Gen Z, la réussite ne se mesure pas uniquement vis-à-vis de la carrière, mais englobe l’ensemble des aspects de la vie.
Fun Fact : La Génération Z attache une grande importance à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, avec 80 % des jeunes plaçant ce critère en tête de leurs priorités (source enquête IPSOS)
Des défis RH qui dépassent la simple question générationnelle
Les aspirations de la Génération Z ne sont que la partie émergée d’une transformation plus profonde du monde du travail. Les questions qu’elle soulève dépassent largement le cadre d’un « simple » conflit générationnel et ouvrent de nombreuses perspectives pour les professionnels des ressources humaines.
Repenser les fondamentaux RH
La fonction RH se trouve aujourd’hui face à des défis majeurs qui touchent l’ensemble de ses missions traditionnelles :
Comment repenser l’évaluation de la performance quand le présentéisme n’est plus un indicateur pertinent ?
Quelle politique de formation mettre en place pour des collaborateurs qui attendent un développement continu de leurs compétences ?
Comment adapter les processus de recrutement pour évaluer non seulement les compétences techniques, mais aussi l’alignement avec les valeurs de l’entreprise ?
L’enjeu crucial de la transmission des savoirs
Dans ce contexte de mutation, la question de la transmission des compétences devient centrale. Comment organiser le transfert de connaissances entre les générations quand les modes de travail et de communication diffèrent autant ? Le mentorat traditionnel doit se réinventer, peut-être sous forme de « reverse mentoring » où les échanges deviennent véritablement bidirectionnels.
Les nouveaux territoires de la formation
Les modalités de formation professionnelle doivent également évoluer pour répondre à ces nouvelles attentes :
Des formats plus courts et interactifs qui incluent la gamification
Une hybridation entre présentiel et digital
Un accent mis sur les softs skills et l’intelligence émotionnelle
Une personnalisation accrue des parcours d’apprentissage
Des opportunités à saisir
Pour les cabinets de conseil RH, ces transformations représentent autant d’opportunités d’accompagnement :
L’aide à la définition de nouvelles organisations du travail
Le développement de programmes de leadership adaptés aux nouvelles attentes
La mise en place de dispositifs innovants de gestion des talents
L’accompagnement dans la transformation culturelle des entreprises
Et demain ?
De nouvelles questions émergent déjà :
Quel impact aura l’intelligence artificielle sur ces transformations ?
Comment préparer l’arrivée de la Génération Alpha dans quelques années ?
Quelle sera la place du travail dans une société où l’automatisation va s’accélérer ?
Une chose est certaine : la capacité à accompagner ces mutations tout en préservant la transmission des savoirs sera un enjeu majeur des années à venir. Les professionnels RH ont un rôle central à jouer dans cette transformation, non seulement comme facilitateurs du changement, mais aussi comme architectes des organisations de demain.